Santé des femmes : urgence silencieuse, conséquences massives
Alors qu’elles vivent plus longtemps que les hommes, les femmes vivent moins longtemps en bonne santé. Invisibilisées dans les politiques publiques et surreprésentées parmi les soignants, elles paient un lourd tribut physique, mental et économique. Il est temps d’agir.
66 ans. C’est l’âge auquel, en moyenne, s’arrête l’espérance de vie en bonne santé pour les femmes en France, selon les dernières données de l’INSEE (2023). Une statistique glaçante, quand on sait que leur espérance de vie globale dépasse 85 ans. Autrement dit, près de 20 années passées à vivre avec des limitations ou des pathologies chroniques. Un paradoxe inacceptable dans une société développée.
Et pourtant, les femmes sont au cœur du système de soins : 77 % des soignants sont des soignantes, selon la DREES (2023). Un engagement souvent invisible, peu valorisé, pénible physiquement et psychologiquement. Cette surcharge se double d’une charge mentale importante et d’un écart salarial persistant, atteignant 20 % en moyenne dans le secteur de la santé (source : Haut Conseil à l’Égalité, 2024).
Des maladies mal prises en charge… car mal regardées
La santé cardiovasculaire est un exemple criant. Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes (source : Fédération Française de Cardiologie, 2023), et pourtant, elles sont encore sous-diagnostiquées, sous-traitées, voire sous-estimées par le corps médical. Le profil-type du patient cardiaque – un homme âgé, stressé, en surpoids – reste un biais inconscient qui tue.
Résultat ? Une surmortalité féminine évitable. Les symptômes féminins sont plus diffus, moins “classiques”, et pourtant bien répertoriés : nausées, fatigue, douleurs dans le dos. Trop souvent renvoyées à une perte de poids à faire ou à des causes psychosomatiques.
La santé mentale : l’autre angle mort
La santé mentale est un autre front d’inégalités. Entre 2020 et 2022, les gestes auto-infligés chez les jeunes filles de 10 à 19 ans ont doublé, selon Santé publique France. Un chiffre alarmant, reflet d’un mal-être générationnel amplifié par la pression sociale, les réseaux, la précarité et l’isolement.
Plus tard, ce mal-être persiste : 64 % des mères connaissent un épisode de dépression post-partum plus aiguë, souvent non diagnostiqué, parfois banalisé. Et 50 % des femmes déclarent que leur santé est un frein à leur évolution professionnelle. Une double peine, qui réduit leur pouvoir d’agir et d’être reconnues.
Solitude, sédentarité, et renoncements aux soins
La sédentarité, elle, touche davantage les femmes à partir de 40 ans (source : Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité, 2022). Combinée à un accès aux soins entravé – par manque de temps, de moyens, de confiance – elle augmente les risques de maladies chroniques.
Près de 50 % des femmes se disent en situation de solitude, et 39 % déclarent ne pas prendre leur santé au sérieux. Une négligence souvent involontaire, faute de ressources, de relais ou de reconnaissance.
Inégalités entre les femmes elles-mêmes
Les inégalités ne sont pas qu’entre les sexes, elles sont aussi entre femmes : selon les territoires, l’origine sociale, ou la précarité, certaines sont bien plus exposées. Les femmes des quartiers populaires, des zones rurales ou d’Outre-mer cumulent les désavantages : moins de spécialistes, moins de prévention, plus d’attentes.
Construire la confiance pour changer la donne
Pour répondre à cette urgence, la solution ne peut être unilatérale. Il est essentiel de co-construire des plans d’action avec l’ensemble de l’écosystème : médecins, patients, associations, institutions. Et de sortir de la vision culpabilisante, notamment sur le poids ou les modes de vie.
Instaurer une véritable culture de la prévention, dès le plus jeune âge, en éclairant, informant, sensibilisant, comme l’a rappelé Juliette Paquin dans sa prise de parole : “Briser les tabous, c’est déjà soigner”.
Les figures publiques ont un rôle à jouer, en s’exprimant sur leurs parcours de santé pour inspirer, déstigmatiser, humaniser.
Conclusion : La santé des femmes, un investissement d’intérêt général
Ignorer la santé des femmes, c’est prendre un risque économique majeur : absentéisme, désengagement, précarisation. Agir, c’est améliorer la cohésion sociale, la productivité, la justice. Il est temps de passer d’une approche réparatrice à une logique de prévention active, inclusive, et équitable.
Parce que quand une femme va bien, c’est toute la société qui respire mieux.